Mass Effect 2

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Tiens, après des mois de silence, un nouvel article sur shoot-em-up.net… Serait-ce la démonstration d’une intégrité sans failles : rien d’intéressant ne s’étant passé dans l’industrie vidéoludique, il n’y avait par conséquent rien à en dire, un peu comme, disons, les élections régionales ? Eh bien, pas du tout. Il y a eu de chouettes trucs, sur lesquels on reviendra peut-être, comme Blood Bowl PC par exemple. Mais aussi des événements moins glorieux, comme les pressions des éditeurs sur certains journalistes. Ici je fais allusion à Sony, qui, n’appréciant pas le 6/10 décerné par Gamekult à Heavy Rain, a décidé de ne plus annoncer sur le site (de le sortir de ses budgets publicitaires), sans oublier de bien le signaler à l’ensemble de la profession, histoire qu’au moment de mettre leur prochaine note, les confrères journaleux y réfléchissent à deux fois (on pourra écouter à se sujet l’émission d’Erwan Cario, à 30:00 : Silence, on joue !). Je pourrais aussi évoquer Electronic Arts (d’ailleurs, allons-y) qui n’autorisait la publication des tests de Dragon Age : Origins avant le jour de sa sortie que si la note était excellente (voir l’édito du Canard PC numéro 201, ou ). Mais il y a mieux, bien mieux, dans le genre petites histoires navrantes. Comme chacun sait, COD Modern Warfare 2 est le titre qui a rapporté le plus de pépettes de toute l’histoire du jeu vidéo, 550 millions de dollars en 5 jours (en novembre 2009). C’est aussi, en France, le bien culturel qui a le mieux marché toutes catégories confondues : le jeu a botté les fesses de Harry Potter (les livres) et de Bienvenue chez les Ch’tis (le DVD). Activision a récemment viré - certainement pour les remercier (oui, bon…), les deux créateurs de la licence, pour « insubordination » (et certainement un peu aussi pour reprendre le contrôle total sur la planche à billets, heu, la marque). Oui, oui, ça, c’est la très grande classe (on peut se faire plus ou moins une idée de l’histoire ici ). Tout ça pour dire qu’il s’est passé tout plein de choses, mais rien qui ne nous ne fasse sortir de la douce torpeur dans laquelle nous étions plongés. Autrement dit, ce n’est pas de l’intégrité, juste de la flemme. Heureusement, le Mass Effect nouveau est arrivé.

Autant le signaler tout de suite, il serait complètement imbécile de vouloir jouer à Mass Effect 2 sans avoir terminé le premier. Il y a deux très bonnes raisons pour expliquer cette entrée en matière un brin abrupt. La première, c’est que Mass Effect est certainement un des meilleurs jeux vidéo auquel je n’ai jamais joué, peu importe le genre et l’époque (ça fait partie de ces titres qui laissent des souvenirs incroyables, tel un Another World par exemple). Je suis tombé dessus un peu par hasard, je dois avouer que je ne croyais pas trop en un jeu de rôle nous arrivant tout droit de la Xbox 360, le gens aux commandes (je devrais dire manettes) fussent-ils employés par le studio géniteur de Baldur’s Gate. C’est Jeff qui m’a un peu poussé à l’essayer lors du portage PC, et il a bien eu raison, ça a été une grosse claque. Mass Effect, c’est un univers très dense, très détaillé, un système de dialogues révolutionnaire, très bien écrits, une bonne histoire, de chouettes graphismes et pas mal d’action. On se sent libre, mais jamais perdu, on influence le monde et l’histoire, tout en étant transporté par un scénario très solide. C’est en quelque sorte l’équilibre parfait entre le film interactif et le shoot à la troisième personne, et très certainement, à ce jour, le jeu de rôle ultime. Oui, oui, je pèse mes mots. Il est évident qu’on parle ici de jeu vidéo, avec les limites que ça implique. Avec Mass Effect, le genre, qui n’avait pas vraiment fondamentalement évolué depuis les Bard’s Tale et autres Pool of Radiance (en nuançant un peu avec les Fallout 1 et 2, et, éventuellement Oblivion), a fait un gros bond en avant. Avouez que ça serait vraiment dommage de passer à coté.

Je ne suis pas un numéro !
L’autre raison, la deuxième donc (à l’avenir, merci d’être un peu plus attentif), c’est que Mass Effect 2, ce n’est pas que l’exploitation à outrance d’une licence qui aurait bien cartonnée, un deuxième opus « encore meilleur » que le premier. C’est tout bêtement une suite, une vraie. Plus exactement, c’est le deuxième volet d’une trilogie. Au même titre qu’on ne commence pas un bouquin par le milieu, on évitera de se faire du mal en attaquant Mass Effect 2 sans en avoir terminé avec le premier. La narration du deuxième épisode démarre sur les chapeaux de roues, en partant du principe que l’univers et l’histoire, progressivement amenés par le premier chapitre, sont bien intégrés. Les décisions prises lors du précédent épisode ont impacté l’espace galactique connu (et même le moins connu), hop, en route pour une grosse mission commando à la sauce Douze Salopards, où les allusions aux événements passés seront omniprésentes. C’est là que je tire mon chapeau à Bioware, c’est bien cool de ne pas devoir se taper une longue intro bien bateau en guise de résumé, d’éviter de se voir tout réexpliquer par le menu. Même si j’en suis un peu étonné, tant il me semble que c’est un choix commercial peu cohérent.

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La cible, coco, pense à la cible
Le studio a en effet simplifié certains aspects du gameplay qui semblaient par trop inaccessibles à notre ami, le trop fameux « casual gamer ». On peut ainsi dire adieu à l’incontournable inventaire, ce qui n’est pas un drame, on s’équipe dans le vaisseau et dans certains endroits spécifiques, et ça roule très bien comme ça (même si je dois reconnaitre que je regrette un peu les choix parfois difficiles que ça impliquait, quant aux armures, aux différentes armes et munitions… Mais enfin, j’imagine qu’au pad, c’était plus que galère à gérer, et le pad, c’est de l’argent…). L’arbre des compétences se voit quant à lui extrêmement simplifié, mais là aussi, au final, ça ne pénalise ni l’histoire, ni l’immersion et encore moins l’action. Juste, à force de trop en faire, on arrive à un truc bien aberrant : les munitions deviennent des compétences, fonction de la classe de personnage… Même si c’est bien crétin, ça n’a finalement que peu d’impact sur le résultat final. Tout ces changements vont dans la même direction, faciliter la prise en main, ce qui, avec une nouvelle gestion des combats, bien plus dynamique (et très réussie), ne peut qu’attirer le joueur occasionnel, pas forcément branché RPG (il faut aussi se souvenir du marketing très agressif qui a accompagné la sortie du titre). Et c’est là que c’est plus tellement cohérent. Il est probable qu’un nouveau public se soit rué sur Mass Effect 2 (j’ai un exemple dans mon entourage, je viens d’ailleurs de réaliser, et vous vous en foutez probablement, que c’est le sosie de Marco Prince, mais en blanc) en le voyant comme un shoot à la troisième personne, un peu amélioré. Le problème, c’est qu’en étant passé à coté du premier chapitre, il ne va absolument rien comprendre à l’univers et encore moins à l’histoire. Il lui restera le coté shoot, qui, aussi bien ficelé soit-il, n’est pas au niveau d’un Gears of War. Ce nouveau public risque donc d’être plus que déçu, de passer totalement à coté de l’aspect jeu de rôle, sans pour autant découvrir le jeu de tir ultime. À mon avis, il ne faudra pas trop compter sur lui pour le troisième épisode.

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Il y a du roleplay dans mon RPG !
Bon, moi je m’en moque un peu. Si en faisant le grand écart Bioware arrive à financer le prochain numéro avec les sous de quelques naïfs, tant mieux pour moi (nous), les quelques reculs évoqués plus haut n’enlève finalement pas grand-chose à mon plaisir de jouer. Contrairement à ce que j’ai pu lire parfois sur certains forums (ou ailleurs, voir le test de l’intarissable Dr Chocapic par exemple), la disparation d’un inventaire et la simplification des compétences ne tuent en rien l’aspect RPG. Le jeu de rôle c’est incarner un personnage et influer sur le monde dans lequel il évolue. Le roleplay n’est heureusement pas tributaire d’un inventaire ou de quelques compétences en moins. C’est avant tout un problème de background et de narration. Il faut donc surtout un univers dense, une intrigue solide et des dialogues bien balancés, l’interaction se faisant essentiellement dans la modification de l’histoire en fonction de nos actions. Ici, la mission est parfaitement remplie. On est le commandant Shepard, à la tête de son équipage, de nos décisions dépend notre destin, on n’en doute pas un seul instant. J’en profite pour préciser, si cela peut donner un peu de poids à mes assertions, que j’ai commencé à pratiquer le jeu de rôle sur table il y a plus de 20 ans, donc L’Œil noir, Stormbringer, L’Appel de Cthulhu, Rolemaster, ADD et j’en passe et des meilleurs. Mes premiers pas dans mon boulot de maintenant ont d’ailleurs été effectués chez Casus Belli, à l’occasion d’un stage bien sympa. Pour tout avouer, je me suis même parfois laisser aller à  taper sur des gens mal déguisés, avec une épée en latex, en hurlant, tel un Moundir dans la jungle, d’hypothétiques points de dégâts. Bref, tout ça pour dire que si le jeu de rôle sur ordinateur ne pourra certainement jamais s’approcher du plaisir que l’on peut prendre en le pratiquant sur table (ou avec une grosse épée en latex), Mass Effect 1 et 2 est certainement ce qui s’en rapproche le plus.

Le doux chant du (ghetto) Blaster
Les évolutions de ce deuxième épisode, toujours aussi classe visuellement (même les écrans de chargements sont chouettes), sont nombreuses, et plus ou moins réussies. Les combats sont beaucoup plus dynamiques, nerveux et jouissifs (le pouvoir charge de la classe Porte-étendard est terrible). Malheureusement le système automatique de récupération de la vie, qui devient semble-il de plus en plus incontournable, permet de triompher de l’adversité assez facilement, sans spécialement devoir recourir à la « pause active », pour diriger finement ses équipiers. On peut tout se faire en temps réel, sans même trop taper dans son stock de Medi-gel, pour peu qu’on pense à se planquer régulièrement. La disparition de la surchauffe des armes au profit d’une simili gestion des munitions n’amène rien de spécialement bien intéressant, et peut même considérablement limiter le plaisir de jouer un sniper en infiltration (lorsqu’on n’a plus de munitions, c’est tout de suite moins fun de jouer au tireur embusqué). Le dernier point contestable, si on oublie le fusil pompe qui est devenue assez inutile (les armes à cadence de tir rapide étant quasiment incontournables pour latter les barrières biotiques et autres boucliers), c’est le temps de récupération imposé entre l’utilisation de chaque pouvoir, qui limite les combinaisons intéressantes. Malgré tout, c’est quand même une vraie réussite, on s’approche de ce que proposent les meilleurs shoots du marché, ce qui, pour un jeu de rôle, n’est pas rien.

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Mako moulage
L’autre changement notable, si on glisse sur la nette amélioration des mini-jeux concernant le piratage et de sécurité, c’est les quêtes annexes. On en termine enfin avec les bases spatiales en préfa, qui se ressemblaient toutes, pour se retrouver dans des décors bien plus travaillés, voire somptueux, même si bien moins vastes qu’auparavant (c’est d’ailleurs le cas de tous les lieux, la vaste Citadelle est devenue toute petite). On en termine aussi avec le fameux Mako, ce véhicule d’exploration tout terrain à la physique si particulière… Ce dernier est remplacé par un scannage minutieux et bien chiant des planètes, dans l’idée d’expédier des sondes aux endroits intéressants, histoire de récupérer des matières premières (pour améliorer notre équipement, notre vaisseau) ou de découvrir des lieux méritant une exploration plus poussée. On se demande d’ailleurs pourquoi l’IA du vaisseau, qui s’occupe de tout et trouve même le temps de vanner, s’autorise à se décharger des tâches pénibles et répétitives, comme chercher les minerais sur une planète ou nourrir les poissons de l’aquarium présent dans la cabine du commandant… C’est tellement inintéressant (un peu comme chercher une pièce de 10 centimes d’euros malencontreusement égarée sur une très grande plage de sable fin) que j’en suis finalement venu à regretter le Mako (si, si). Avec du recul, je me rends compte que ce véhicule participait pas mal à l’immersion en introduisant un soupçon de liberté lorsqu’on voulait jouer à l’explorateur. Bioware a peut-être rattrapé un peu le coup en sortant récemment, via un DLC gratuit, un nouveau véhicule, plutôt sympa et très maniable, le Hammerhead. C’est une sorte de glisseur/blindé léger (très léger le blindage), qui a une bonne tronche et qui propose de chouettes sensations de pilotage. Pour l’instant, il n’y  a que très peu de planètes ou il est possible de l’utiliser, puisque ça se limite en réalité aux 5 missions proposées avec le DLC. Missions pas démentes, même si pas si mal pour le prix. On peut espérer que le nombre d’environnements Hammerhead-compliant augmentera d’ici quelques mois, et prier pour que le prix à payer pour en profiter reste le même. Pour la petite histoire, l’engin récupère lui aussi automatiquement de la vie (du blindage ?), c’est quand même fou, la technologie.

DLC, DRM… DTC ?
On peut saluer l’attitude d’Electronic Arts et de Bioware, au sujet des DRM et des contenus additionnels. Là ou un Ubisoft a la mauvaise idée de vouloir endiguer le piratage en imposant de jouer à ces titres solo connecté durant l’intégralité d’une partie (inutile de préciser que pour ma part, ils peuvent bien aller au diable, je me passerais très bien de Sam Fisher qui RUSE en cachant un U-Boot sur les toits de Florence), l’éditeur de Mass Effect joue le coup tout en nuance, en s’attaquant par la bande au marché de l’occasion. En effet, si la protection du titre est une simple vérification du DVD, profiter des nombreux DLC (environ 1Go à ce jour, compressé) ne pourra se faire gratuitement que si on entre un code, à usage unique (j’imagine que ça limite un peu le piratage). En cas de revente, le nouvel acheteur devra lui, payer (un peu), s’il souhaite profiter des mêmes contenus additionnels (je pense que cette limitation ne vaut que pour la Xbox 360, les fichiers des DLC de l’édition PC pouvant à mon avis très bien s’installer à nouveau). C’est plutôt malin, on s’offre une bonne image auprès des gamers, à qui on propose tout plein de DLC gratos, tout en capitalisant un peu sur le marché de l’occaz, qui semble tant embêter les éditeurs. La limite de l’exercice, c’est que le mercenaire impitoyable (qui a une sacrée bonne trogne) venant gonfler les rangs de notre équipe ne dispose pas du système de dialogue évolué qui fait tout le charme du jeu, ce qui fait de lui un meuble qui parle (expression empruntée sur le forum canard PC, bravo à son auteur), et c’est dommage.

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Et la technique, bonhomme, ça dit quoi ?
Rien à dire, c’est fluide et c’est beau (avec une Ati HD4850, en 1680×1050). Il parait que les temps de chargements sur Xbox 360 sont longs et répétitifs, sur un PC un peu costaud, ça glisse tout seul (ici, certains imaginent entendre quelques ricanements). Il m’a été possible de terminer deux fois le jeu - histoire de tester les différentes classes de perso ainsi que les divers embranchements de l’histoire, sans rencontrer de bugs dans le déroulement des quêtes (il faut compter environ 35 heures pour faire le tour du propriétaire). Parfois, lors des phases de dialogues, certains protagonistes disparaissent ou « glissent » pendant quelques instants, il m’est aussi arrivé de me « coincer » dans le décor, ce qui est un peu plus pénible. Heureusement, c’est assez rare. La version française est très bonne (la VO propose quelques stars, comme Martin Sheen ou Michael Hogan, le XO de Battlestar Galactica) et la bande-son assure. Un petit clip pour donner envie :

On va conclure, même si je pourrais encore tartiner longuement sur le sujet, ne serait-ce qu’en évoquant le charisme des différents protagonistes, la modélisation superbe des visages, ou le design somptueux de l’armement et des décors… On va conclure disais-je, en évoquant le truc qui m’a le plus déçu, l’absence totale de subtilité dans la résolution des différentes quêtes. Dans la grande majorité des cas, on résoudra les différentes problématiques par la violence, et là je rejoins l’imparable Dr. Chocapic, trop de baston tue la baston. Mass Effect 2 manque cruellement d’enquêtes, de moments de soupçons et de paranoïa, et c’est dommage, c’est quelque chose qui était bien présent dans le premier épisode. Ici, même lorsqu’on joue un peu à l’avocat pendant un procès, c’est pour mieux partir en quête de preuves, à grands coups de lattes. Malgré tout, ça reste une expérience très réussie, qui a le mérite de nous tenir en haleine de bout en bout, et nous laisse espérer un prochain opus plus qu’épique. Un achat parfaitement incontournable donc, en tous cas pour tous ceux qui ont terminé et aimé le premier.

Greg

2 commentaires à “Mass Effect 2”


  1. 1 Manu

    J’ai pas d’amis casual gamer, juste ma mère.

  2. 2 Jeff

    “Avec Mass Effect, le genre, qui n’avait pas vraiment fondamentalement évolué depuis les Bard’s Tale et autres Pool of Radiance (en nuançant un peu avec les Fallout 1 et 2, et, éventuellement Oblivion) …”

    Quel trolleur ce Greg ! Comment peut on décemment parler de l’Histoire du RPG sans évoquer des hits fondamentaux comme Icewind Dale ?! ;)
    Plus sérieusement… Des Planescape Torment et Baldur’s Gate, sont quand même des jalons importants du genre, non mais ;)
    Ne serait ce que pour mon style de joueur, moi qui n’a jamais accroché avec les vrai-grand-vieux RPG (Pool of Radiance like, case par case, moche) ni les récents grand-hits-mais-en-vue-a-la-1ere-personne (genre Morrowind/Oblivion)

    Jeff

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